Que l’on me permette un souvenir personnel.
Il y a seize ou dix-sept ans, je vis entrer dans mon bureau un visiteur inconnu, portant un vase entre ses bras. C’était le docteur George Viau.
Il m’exposa que depuis quelque temps son attention était attirée par un genre de poterie, venant de Chine, et tel qu’il n’avait rien rencontré de semblable. Bien qu’ignorant tout de ces objets, il en avait réuni un ensemble assez important. Il venait m’en soumettre un exemplaire, et me demander un avis.
« – Il y a seulement un mois, lui répondis-je, j’aurais dû confesser sans honte que mon ignorance était égale à la vôtre. Mais en préparant l’édition française du Chinese Arl de Bushell, j’ai eu sous les yeux un vase du genre de celui-ci. Bushell dit que les érudits chinois attribuent ces poteries à l’époque Han; elles auraient donc séjourné sous terre environ deux mille années, avant d’arriver dans vos mains. »
Le docteur Viau partit content, et me laissa plus heureux encore d’avoir rencontré un homme de goût assez fin pour rassembler des objets d’origines lointaines et dont il ne savait rien, sauf qu’ils lui plaisaient.
Je ne crois pas qu’on puisse citer beaucoup de cas semblables. Sans autre guide que le sentiment de la beauté, un collectionneur avait su choisir une trentaine de pièces dont le vendeur et l’acheteur ignoraient tout; ce choix était si parfait qu’à l’heure actuelle les poteries Han du docteur Viau forment sans doute le plus bel ensemble qu’on en puisse voir à Paris, et sont la partie la plus importante de sa collection.
Jean-Henri d’Ardenne de Tizac – « L’Amour de l’Art », 1er janvier 1925
Pour le reste des objets « des Arts d’Extrême-Orient », consultez le catalogue de vente du 26 février 1943