«A gauche, voici l’américaine, portrait d’une âme exquise. Le songe des yeux, la moue des lèvres disent le cœur gros. Quand on est si blonde il n’est de chagrin que d’amour. A celui -ci Mme M. ne survécut : elle se tua et le docteur G. Viau très pieusement recueillit sa frêle apparence terrestre. C’est un admirable tableau. »
C’est ainsi que le docteur Fernand Vallon décrit avec talent le beau tableau de Pierre Bonnard intitulé « la jeune fille au corsage rouge » que possédait George Viau, dans son article paru dans Art et Médecine le 15 octobre 1933.

Fernand Vallon, reçu docteur en médecine en 1909, était un collectionneur amateur d’art reconnu pour ses articles de haute volée sur les peintres et leurs œuvres. Il collaborait pour diverses revues dont la « Revue hebdomadaire », la « chronique médicale » et surtout pour le réputé «Art et Médecine» où des plumes comme Francis Carco, Jean Cocteau, Pierre Mac Orlan ou André Maurois côtoyaient d’éminents médecins réputés pour leur amour de l’art dont Fernand Vallon était le fer de lance.
L’homme, né en 1881 à Vincennes de père lui-même médecin, ne passait pas inaperçu du haut de son mètre quatre-vingt-douze, sa moustache altière et ses yeux bleus perçants. Devenu dès son plus jeune âge spécialiste de la peinture, il a écrit de nombreux livres dont « au Luxembourg et chez Rodin » et surtout « au Louvre avec Delacroix » couronné par l’Académie Française en 1931.

Vallon et Viau se connaissaient et par leur passion pour la peinture et par leur fréquentation mondaine du tout Paris.
C’est ainsi que le 15 octobre 1932 Fernand Vallon écrivit un long article sur la collection de son ami George Viau dans un nouveau numéro d’Art et Médecine.
… Or je viens de revivre l’émotion du musicien et ce fut rue d’Artois, dans l’ancien atelier de Jules Lemaître. Là, j’ai retrouvé cette allégresse qui rend au croyant Dieu si léger. Là, pour aller de tableau en tableau, j’ai connu la joie grandissante du musicien russe (il fait référence à Mousorgsky et ses Tableaux d’une exposition). Le Docteur Viau, maître de céans, me suivait attentif « au moins vous aimez la peinture vous ! » dit-il enfin. Il y eu un silence. Notre communion rendait l’ambiance plus propice. La muse se donnait mieux. « voilà qui me change de la plupart de mes hôtes, reprit-il. Ils ont des yeux et ne voient pas. Vous qui voyez, que direz-vous de ces deux chevaux échappés des écuries d’Eugène Delacroix ? »…
Et Fernand Vallon d’énumérer et de commenter des toiles de maîtres aussi belles les unes que les autres et surtout choisies avec l’instinct du connaisseur.